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cinebdo

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1 novembre 2012

Skyfall

  

Film américano-britannique de Sam Mendes
Avec Daniel Craig, Judi Dench, Javier Bardem
Sortie le 26 octobre 2012


Le genre : James Bond de crise
La note : 8

 

« Mon nom est Bond. James Bond ». 23 épisodes que l'icône de l'espionnage arpente la planète avec son Walther PPK, son martini et son smoking. Sous les traits de Daniel Craig, James Bond était devenu blond, les filles étaient moins maltraitées et les communistes se changèrent en terroristes. Avec cet nouvel opus, probablement le plus sombre de tous, les producteurs osent aller encore plus loin en s'interrogeant sur les fondamentaux même de la série. Magistral.

 

Skyfall pourrait se résumer par une terrifiante et inéluctable descente enfers du MI-6, les services secrets britanniques devenus légendaires grâce à la plume de Ian Fleming. Pour commencer, James Bond et une mystérieuse agente (dont je ne dis pas plus...) qui l'accompagne se démènent dans les rues d'Istanbul à la poursuite d'un type en possession d'une liste secrète de tous les agents déployés de la Couronne. On démarre donc avec de classiques scènes de courses-poursuites en moto, puis en train. Mais en vain : la liste a disparu et Bond est laissé pour mort. Pourtant, il reviendra en Angleterre prêter main forte au MI6 et à sa patronne, M, pour sauver les services des cyber-attaques et des attentats qu'il subit...

 

 Gros boum en plein MI-6. Ambiance.

 

Il faut le dire, j'ai trouvé ce James Bond particulièrement réussi, pas tant sur le plan de l'action que sur la mise en scène de celle-ci, pas tant par une utilisation fidèle des éléments récurrents de la série que la réflexibilité que la franchise porte sur elle-même, pas tant par l'originalité de son scénario que par son vrai regard sur le monde. Et peu importe si on adhère ou pas – eh oui, je m'en expliquerai, j'ai trouvé cet épisode particulièrement engagé aussi. Bref, un film intelligent et une foison d'éléments intéressants à analyser, qu'il s'agisse des dialogues, des visuels, des actions. Je ne les relèverai pas tous, mais me cantonnerait à quelques éléments qui m'ont paru remarquables.

 

Première remarque, on a affaire à un James Bond dans un monde en mutation, à l'ère de la globalisation de l'économie, de la finance, de l'information. Cela fait déjà un moment que la franchise en fait le constat : déjà dans Goldeneye, le hacker Boris réalisait des cyberattaques pour le compte d'une organisation terroriste. Il est d'ailleurs possible de rapprocher le scénario de Skyfall de l'épisode de 1995 : le méchant Trevelyan y était aussi un traître à l'Angleterre et ex-agent du MI-6, animé d'un fort ressentiment contre M et Bond, à l'instar de Silva incarné par le très bon Javier Bardem. Skyfall ajoute à ce constat l'apparition d'un acteur nouveau, qui n'avait jamais eu son mot à dire auparavant : l'opinion publique. Il est demandé au MI-6 de faire la transparence sur ses activités. Les Indignés de 2011 sont-ils passés par là ? Image saisissante en tout cas que celle de M devant une commission parlementaire qui veut sa tête, donnant un véritable cours de géopolitique contemporaine sur fond de scènes d'action dans les rues de Londres venant appuyer ses propos sur les menaces non-étatiques, les réseaux et le « travail de l'ombre » entourant les services secrets.

 "Je n'y crois pas, ce morveux va m'apprendre mon métier ?"

 

Deuxièmement, Skyfall tient compte d'une donnée lourde de ces dernières années : la crise économique et financière qui fait trembler le monde et particulièrement l'Europe. La Grande-Bretagne n'y échappe pas, l'austérité est non-dite mais plane comme une ombre au-dessus d'un gouvernement britannique forcé de faire des coupes partout dans les budgets. Le MI-6 devient alors une victime collatérale de la perte de souveraineté du pays face au pouvoir des marchés et des réseaux... mais aussi du rééquilibrage des relations internationales et de l'économie au profit de la Chine. En effet, après l'attentat au MI-6, il se trouve que Bond doit enquêter à Shanghaï. Loin d'être due au hasard, il s'agit de montrer que la destination est la véritable nouvelle capitale du monde, scintillante, imposante. Et menaçante. Cette menace n'est pas dénoncée explicitement (on est loin du racisme anti-jaune de L'homme au pistolet d'or...), on se contente de la montrer. Froidement, finement : le Chinois est un dragon dans le générique, qui draine des millions d'euros à Macao. L'espion anglais se bat en ombre chinoise et en silence dans un building sur fond d'une enseigne publicitaire aux belles et étranges volutes bleutées.

 

 

Par conséquent, il ne reste à Bond et ses amis du MI-6 qu'à se cramponner à la défense de la nation. Il opine sans brancher lorsque le méchant raille son « patriotisme » et lorsque le bureaucrate rival de M, Mallory (Ralph Fiennes) s'étonne qu'il cherche à reprendre du service après sa « mort » officielle en Turquie. Il me semble par ailleurs qu'il arrive que l'on regarde un James Bond sans voir un seul drapeau britannique à l'écran (à vérifier, je concède). Or, aurez-vous remarqué qu'il est présent partout ici, et même sur l'affiche du film ? Détail peut-être. Détail lourd de sens selon moi.

 

D'où ma troisième remarque : le retour aux sources. Et je trouve personnellement pas bête du tout que les réalisateurs posent la question franchement : qu'est-ce qu'est être un espion en 2012 ? En ce temps troublés, la figure de l'espion apparaît de plus en plus dépassée, vieillote, hors du coup. Cela n'a plus grand chose à voir avec l'époque de Sean Connery, bien plus simple, avec la Guerre Froide, le bon temps des colonies et l'insouciante brutalité envers les femmes...

Bon, juste histoire de se marrer un coup : http://www.youtube.com/watch?v=YJWfObq2cFk

Par ailleurs, 007 se plante lamentablement aux tests pour sa réintégration dans le service. La honte.

 

 Au service secret de sa majesté, 007 est prêt à toutes les résurrections

 

Dans ces conditions, on revient aux fondamentaux. Q, un jeunot boutonneux et tête à claque, ne lui donne cette fois-ci que un Walther PPK et … une radio. « Eh bien, on ne peut pas dire que ce soit Noël avant l'heure... » commente tristement Bond, après avoir été sérieusement mouché par le nouveau Q arrogant, croyant plus à l'efficacité de ses programmes informatiques qu'aux agents sur le terrain. « Il faut bien quelqu'un pour appuyer sur la gâchette » concède-t-il seulement. Voilà à quoi est réduit 007 désormais.

Mais pourtant, c'est en s'appuyant sur des éléments du passé que Bond trouvera les ressources pour réussir sa nouvelle mission. (Attention spoiler ici !)  Il reprendra l'Aston Martin DB5 de Goldfinger pour éviter d'être tracé trop facilement par son ennemi et l'attirer dans un piège en Ecosse. Là, il y retrouvera la demeure de son enfance qui est évoquée par la première fois... La demeure elle-même qui sert d'ultime repli aux derniers du MI-6, pour un combat sombre, lugubre, inquiétant... bref une ambiance particulièrement réussie pour rapprocher M et Bond, jusqu'alors boss et employé depuis Goldeneye.

Et de tout cela, de son face à face final avec le méchant (qui n'est justement pas un face à face en fait), Bond n'en retirera pas grande gloire. Profitons pour saluer ce personnage de méchant machiavélique, déconcertant, cruel... et à des attitudes confinant à l'homosexualité. Eh oui, celle-ci est maintenant mise en scène dans James Bond, bien que cantonnée à des rôles de méchants. Bref, à l'issue du film, le prix à payer, y compris en amour-propre, est bien grand, les dégâts terribles, les pertes irréparables.

 

 Il y a comme du malaise dans l'air.

 

Oh, et les girls dans tout cela ? On les aurait presque oubliés. Eh bien... insignifiantes. Bond sort bien un moment avec une française jouée par Bérénice Marlohe (par facilité?) qui n'est d'ailleurs pas la seule. Mais elle n'est pas essentielle. Moneypenny est aussi présente, qui pour la première fois est jouée par une métis. Le firt est présent, mais elle joue un rôle un peu surprenant, beaucoup plus dans le feu de l'action que son rôle de secrétaire laisse supposer d'habitude. Mais en fin de compte, seule une femme compte ici : M. M comme maman. Avec le garde-chasse du manoir des Bond à la fin du film, on retourne à une symbolique de la famille traditionnelle et ancestrale.

 

M n'est pas qu'une lettre

 

 NB : Je  n'ai pas habitude de commenter l'actualité cinématographique autrement que par les films que je visionne au cinéma. Mais je n'ai pas pu m'empêcher de réagir à l'annonce de la vente de LucasFilm à Disney hier et à la production annoncée d'une nouvelle trilogie de StarWars à partir de 2015 !! En tant que fan, comme tant d'autres, qu'elle ne fut ma surprise hier soir, mêlé à la fois à de l'excitation... et de la crainte.
J'attends d'en savoir un peu plus avant de commenter plus avant ; nous aurons l'occasion d'en reparler lorsque ressortira le prochain épisode en 3D, L'Attaque des Clones, courant 2013.

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24 octobre 2012

Ted

 

Film américain de Seth MacFarlane
avec Mark Wahlberg, Mila Kunis, Seth MacFarlane
Sortie le 10 octobre 2012

)Le genre : conte concon
La note : 5+

 

Que se passerait-il si vous aimiez tellement fort votre ours en peluche, que votre vœu de le voir parler comme un humain soit exaucé un beau matin ? Eh bien il se pourrait bien qu'il se mette à jurer, à fumer des joints, à organiser des orgies, bref ! A être soumis aux mêmes faiblesses que les autres hommes. Belle idée, mais qui m'a laissé malheureusement de marbre ici. Et toute la question est de savoir pourquoi.

 

Je vous l'ai dis donc : John Benett est un petit garçon dans les années 80 lorsque son ours en peluche devient vivant. Par on ne sait quel miracle d'ailleurs, mais peu importe. Après un petit passage par la case célébrité, l'ours en question mène sa petite vie en restant « l'ami du tonnerre » de son maître, et pour la vie s'il vous plaît. Seulement voilà, John a maintenant une petite amie qui veut vivre pleinement sa vie de couple sans être troublée par la concurrence malhonnête d'un jouet lourdingue et crado qui se fait des shoots et invite des prostituées à la maison. S'engage alors une rivalité entre les deux personnages...

C'est à travers nos jouets d'enfance que l'on projette nos phantasmes les plus indicibles...

 

Bon, dis comme ça (et j'ai fais exprès), l'histoire a l'air un petit peu bêbête. Pour s'en sortir, il existe en général deux solutions : soit recourir à des émotions, des sentiments à la pelle, jouant sur le thème du refus de quitter l'enfance et servie par une belle musique et une belle réalisation. Cela donne E.T. par exemple. Deuxième possibilité : on assume le côté décalé, loufoque du scénario et on le joue à fond, en multipliant les vannes grotesques, grossières et les références à des classiques. Et dans ce cas on fait du nez de Pinocchio le miroir de sa libido comme dans Shrek 2.

 

Ce film veut tenter les deux options à la fois. Et chose étonnante, le film semble avoir été apprécié à la fois par la presse et les spectateurs, si j'en crois le site Allociné. Pour ma part, je dois vous avouer que j'ai eu un problème avec ce film, ne sachant pas trop comment l'appréhender, sur quel pied il fallait danser. Film sentimental ou satirique ? Personnellement, j'ai eu un mot en tête pour définir ce que j'ai vu : schizophrénie !

 

Certes, l'ouverture n'est pas si mauvaise avec l'exposition de la situation. On apprécie l'hommage rendu aux années 80 et à ses références culturelles appuyées : Star Wars, Indiana Jones, E.T. et bien d'autres.On est d'accord, à l'époque, on faisait des choses bien meilleures que beaucoup de productions d'aujourd'hui. Un certain nombre de gags sont aussi réussis au moment du générique, amenés par une musique jazz agréable pour un film du genre, qui se veut léger, détendant. Pourtant, dès le départ, on perçoit un problème de ton à donner à cette histoire : un narrateur introduit l'histoire à la manière d'un conteur, très posé, très calme... puis soudain, sans crier gare, voilà qu'il nous lâche une vanne horrible : « Le pauvre John était exclu des jeux de ses camarades, occupés gaiement à brutaliser un Juif ». On se dit alors qu'il s'agit là du véritable ton du film... et puis non, on repart pour dix minutes de bons sentiments en continuant la narration du conte. Puis plus tard, quelques autres vannes non politiquement correctes. Et ainsi de suite. WTF ?

 

Et les choses iront de mal en pis. Cette dichotomie ira sans cesse en s'accentuant. Et pour moi, il y a un gros souci de cohérence entre certaines scènes avec l'ours, qui se veulent scandaleuses, grossières, vulgaires, scabreuses, et les interminables séances de sentiments en barres. Encore une fois, l'humour décrit juste avant ne me dérange pas en soi, si l'on en reste cantonné à une direction, une cohérence  tout le long du film. Même si on y introduit quelques scènes émouvantes, pour peu que l'on discerne clairement le « délire ». Je cite quelques exemples réussis de films « cohérents », au hasard : Bruce tout-puissant où Jim Carrey joue avec les pouvoirs de Dieu, ou H2G2 : le guide du voyageur galactique et son absurde et non-sens intersidéral.

Le couple résistera-t-il à la terrible épreuve de l'ours en peluche ?

 

C'est la raison pour laquelle je ne suis pas parvenu à aimer Ted l'ours en peluche. Je n'ai pas réussi à m'attacher à son caractère outrancier, et que je n'ai pas réussi à m'émouvoir de ses problèmes de rivalité avec Lori, la petite-amie. Alors, lorsqu'on en arrive (attention je spoile dans ce paragraphe!!!) à son enlèvement, un peu à la façon 101 dalmatiens, et mis en scène comme un Spielberg, on reste de marbre. Quel dommage, car à son issue, on aura droit à une belle idée : la réanimation de la peluche. Vite, vite, il faut le recoudre ! Il faut lui remettre son rembourrage ! Sinon il va mourir ! J'ai trouvé cela amusant, car étant gosse, j'ai imaginé moi-même avec mon frère ce genre de scènes avec des peluches blessées, nous nous sommes posés les mêmes questions métaphysiques sur la vie et la mort des peluches...  (oui, oui, moquez-vous...). Mais bref, au final, tout se termine comme cela a commencé : Ted sera toujours l'ami de John qui n'abandonnera jamais sa part d'enfance... et la petite amie finira par accepter la situation ! Snif !

 

Ou bof. On voit quand même assez vite les limites de ce scénario. La question que je me suis simplement posé : pourquoi les autres peluches ne sont-elles pas aussi animées dans le monde de Ted, si les autres enfants le souhaitent ? Qu'est-ce qui explique qu'il soit « choisi » pour faire ses pitreries dans ce bas monde ? Peut-être que ça n'intéresse personne, mais j'aurais personnellement préféré cela à des pleurnicheries de couple en désarroi ou aux fêtes délurées avec les acteurs déterrés de Flash Gordon en guest star.

 

Un hommage au nanar des années 80. "Flaaaash !"

16 octobre 2012

Les saveurs du palais

 

Film français de Christian Vincent
Avec Catherine Frot, Jean d'Ormesson, Hippolyte Girardot
Sortie le 19 septembre 2012

 

Le genre : politique du ventre

La note : 6+

  

A peine quelques mois après l'élection présidentielle, renouant avec notre bonne vieille tradition consistant à élire nos monarques républicains, retour sur les cuisines du pouvoir, et cette fois-ci, les vraies. Bon appétit.

 

Le changement est-il pour maintenant ? Souvenons-nous, il y a un an, sortait L'exercice de l'Etat, qui suivait l'agenda ministériel d'un ministre, à son cabinet, en déplacement, en conseil des ministres et jusque dans les tourments de ses rêves. Une vision angoissée et angoissante de la politique. La vision d'un personnel politique sans idéal, sans état-d'âme, tout en manœuvres et en rapports de force. Sur fond d'atmosphère de fin de règne de l'ère Sarkozy (lui-même personnalité clivante et hyperactive), le film de Pierre Schoeller voulait nous présenter un certain envers du décor, une réalité crue d'un univers dépiauté de ses discours officiels et de ses frous-frous républicains.

Alors que le style de François Hollande semble plus consensuel et l'atmosphère ambiante plus sereine (du moins durant les premiers mois de sa présidence...), Les saveurs du palais que nous propose Christian Vincent nous fait visiter aussi des coulisses, différentes, en apparence triviales, en forme de célébration de l'art culinaire, mitonnée avec plus de chaleur, de saveur, de légèreté, de lenteur, de rondeur et de joie de vivre. A défaut d'être agressés, les sens du spectateur seront ici éveillés et séduits.

 

 

Notre flamby national pourra-t-il continuer son régime ?

 

 

 

 

Hortense (Catherine Frot), cuisinière dans le Périgord, est un beau jour recrutée pour travailler dans des cuisines de la capitale. Pensant qu'il s'agirait d'un quelconque ministère, la voilà qui se retrouve transportée au 55, Faubourg Saint Honoré. Là, on lui annonce qu'elle confectionnera les plats du Président et de son entourage. Pardon, vraiment ? S'étonne-t-elle, ajoutant qu'elle n'était pas la bonne personne. Mais si, ma bonne dame : le Président veut de la cuisine simple, comme ce que lui faisait « sa grand-mère ».

 

Oups ! Je me suis perdu au palais de l'Elysée... 

 

Sans se démonter, elle s'installe, fait équipe avec un jeune prodige des fourneaux et impose son style à la gastronomie de l'Elysée. Elle mène des expérimentations, elle choisit elle-même ses ingrédients, en demandant même à des proches de lui fournir des produits locaux, elle cherche à donner une âme, une personnalité à ses choux farcis au saumon. Catherine Frot incarne avec bonheur cette cuisinière inspirée de l'expérience authentique de Danièle Delpeuch, cuisinière de François Mitterrand. Celle-ci a ensuite travaillé en divers endroits tels que sur une base française en Antarctique, comme montré dans le film par flash-forward interposés.

 

Hortense a aussi parfois à faire face à ses propres tambouilles de pouvoir. Mais c'est avec toujours une force tranquille qu'elle tient tête au chef cuisto sexiste et odieux, frustré d'être rétrogradé à la confection des desserts. Cette même force tranquille qui préside à ses dialogues avec le doucereux Jean d'Ormesson, dans le rôle d'un Mitterrand, certes fidèle dans sa passion pour la cuisine, mais me semble-il un peu trop agréable et ouvert pour un personnage aussi complexe et secret (mais peut-être ai-je une vision un peu trop machiavélisante de notre ex-président que je n'ai presque pas connu de mon vivant). Encore cette force tranquille de supporter un protocole tatillon, de se chamailler avec les comptables de l'Elysée pour des additions trop salées et avec les médecins du Président veillant à sa santé. Toujours cette force tranquille lorsqu'elle refuse par modestie les propositions insistantes d'interview d'une journaliste anglaise lors de son séjour en Antarctique.

 

Le tout se regarde agréablement, tranquillement, avec l'eau à la bouche, l'anecdote étant le moteur de notre intérêt pour l'histoire de cette femme (mais sans plus je dirais). Comme celle de son entretien privé avec le Président, contraignant tout son entourage à l'attendre. Est-il vrai que François Mitterrand ait pu déclaré ainsi en privé : « Je pourrais parler des heures de cuisine. Je finis par me demander si cela n'aurait pas mieux valu que de m'occuper de politique... » ? Pour une fois ces temps-ci donc, foin de l'austérité, foin des économies de fonctionnement : on goûte allègrement à l'insouciance. Sans être un hors-d'oeuvre, nous avons là une petite saveur appréciable quand on a rien de particulier à se mettre sous la dent.

 

Une petite dégustation privée avec M Le Président...

2 octobre 2012

Rebelle


Film américain de Brenda Chapman et Mark Andrews
Sortie le 1er août 2012
avec Kelly MacDonald,  Billy Connolly, Emma Thompson

 

Le genre : feu follet pixar 

La note : 7

 

Les studios Pixar, avec Rebelle, de l'Anglais Savage, fait une incursion en Ecosse et offre une belle vitrine artistique et musicale de cette contrée celtique à l'époque médiévale, teintée pourtant d'une morale libérale et moderne. Mais attention à ne pas s'y méprendre : le fantôme de Steve Jobs rôde, et le classicisme de la narration revient à grand galop.

 

Bon, un nouveau Pixar. Moi, probablement un peu rebelle dans l'âme, j'ai pris l'habitude de me méfier de ces animations virevoltantes mais m'ont laissé sur un sentiment de saturation pour les productions suivantes à 1001 pattes. Entre ennui (je me suis endormi devant Cars), et scepticisme (Là-haut, Wall-E), je dois confesser que je me suis laissé aller à un certain « à quoi bon ? ».

 

De plus, la récupération de thèmes ultraconsensuels et donc ultravendeurs tels que l'écologie ou la critique de la société de consommation par un grand empire cinématographique qui repose sur celle-ci, a tendance, excusez-moi, à me faire rire jaune. Là, c'est encore plus fort, on veut récupérer la rébellion. Je me suis dit que non, trop, c'était trop, que je n'irais pas le voir. 

 

Deux choses m'y ont poussé malgré tout. Premièrement : mon interrogation précisément sur le traitement de la « rébellion ». Après tout, il peut être intéressant de savoir quelles sont les valeurs de la rébellion véhiculées par le mass media de notre époque.
Deuxièmement, j'y suis allé pour la musique, et peut-être plus largement pour l'ambiance. En effet, j'ai appris que de la musique typiquement écossaise était utilisée dans la production, et notamment certains titres interprétés par Julie Fowlis, chanteuse folk écossaise à la voix sublime et que j'aurai l'honneur de voir en concert en novembre prochain à proximité de Stuttgart. Je vous renvois à quelques liens pour vous donner une idée de son talent :

http://www.youtube.com/watch?NR=1&v=JdO-JqtDPTw&feature=endscreen

http://www.youtube.com/watch?NR=1&v=Fb8AVVlAltk&feature=endscreen

 

Ce qu'elle est Julie...

 

 

Donc, je vous l’avoue, ma corde celtique a vibré et je suis allé juger par moi-même de cette histoire de princesse écossaise qui refusait de devenir reine et de prendre époux. Au lieu d'accepter son destin, Merina préfère truander et fouiner avec la complicité de ses trois filous de petits frères, elle aime faire des promenades en cheval dans la nature, et tirer à l'arc. En opposition radicale avec sa mère, la reine Elinor, qui fait venir prétendants des clans alliés pour garantir l'unité du royaume, elle fuit son destin et recourt à la magie pour changer les événements. Mais évidemment, le sortilège prévu tourne en maléfice et rien ne se passe comme prévu...

 

Saluons d'emblée les deux points forts du film. Tout d'abord, comme je viens de le dire, la musique. Cornemuses, flûtes, chants viennent rythmer l'histoire avec bonheur et nous plongent dans l'ambiance de l'Ecosse du Moyen-Age. La réalisation a fait semble-t-il un vrai effort d'immersion en cherchant des groupes de musique celtique. Je regrète simplement que, ayant vu la version française, les chansons aient été aussi doublées...

 

J'ai envie de faire la même remarque pour le deuxième point fort : la réalisation visuelle. Il est incontestable que le film est très beau visuellement. Il paraît que les techniciens ont poussé les prouesses techniques au-delà de leurs limites avec les cheveux de l'héroine, son cheval, etc. Bien, soit. Je dois simplement dire que pour ma part, les paysages, décors, l'animation des personnages, m'ont satisfait. Le film est aussi un hommage assumé à Steve Jobs, d'ailleurs explicite dans le générique de fin sur fond de feu follet. A noter aussi une scène amusante pendant laquelle la marmite de la sorcière joue le rôle de répondeur téléphonique. Et tant pis si les mauvaises langues (comme moi) se plaindront de la perte d'authenticité...

Pourquoi cet hommage ? Il ne faut pas oublier que Steve Jobs a racheté le département d'animation de Pixar dans les années 80 à un certain... Georges Lucas. En effet, la princesse Merina aurait peut-être pu être une princesse Leia. Cependant, le réalisateur de la Guerre des Etoiles se trouvait être endetté après quelques échecs commerciaux méconnus (tels que Labyrinthe) et a dû revendre cette branche d'effets spéciaux. Bonne pioche en tout cas pour Jobs, quand on connaît le succès de la suite.

 

 

 

 

Un conflit mère/fille...

 

 

Bon, trêve de commentaires là-dessus, sachant que je ne laisserai jamais les techniciens s'approprier le monopole de la qualité d'un film. Or, venant-en à la narration. Je dois dire que l'ouverture du film et, disons, la première demi-heure du film, m'ont véritablement transporté. J'ai trouvé l'ambiance très particulière, agréable et inspirant le mythe. La scène des feux follets notamment est à cet égard particulièrement réussie et aurait dû être le point de départ d'une quête, d'un voyage merveilleux après la fuite du château et de l'univers oppressant des prétendants et de la cour.

 

Las ! Tous ces éléments originaux (les feux follets, la sorcière, la légende des quatre rois) demeureront au rang de figurants et l'on ne cessera désormais plus, tout au long de l'histoire, d'effectuer des va-et-vient entre le château et le cercle de pierres, de gesticuler dans tous les sens le long des couloirs, de beugler à tout bout de champ pour occuper la dernière demi-heure et couper court à cette invite à la légende et à l'imaginaire. Le thème de la métamorphose, fortement présent dans les légendes celtiques, ne perturbe pas ici outre mesure. Même celles présentes dans Shrek, pourtant satirique, sont plus marquantes. En bref, quel dommage ! Tout le potentiel était là, et vous êtes passés à côté. A retravailler, Messieurs dames.

 

Ah, pour ne pas oublier la problématique de départ tout de même : et la rébellion dans tout ça ? Bof, rien de bien révolutionnaire en fin de compte. Certes, on tranche une fois de plus avec la morale réac' des Disney « classiques », mais les valeurs véhiculées par la rébellion sont en fait celles de notre époque : liberté dans le mariage, responsabilité individuelle, féminisme... Merina est, paraît-il, la première héroine d'un film d'animation de Pixar et me fait penser à la Blanche-Neige nouvelle génération, dont j'avais fais un commentaire il y a quelques semaines. Bref, une remise à jour des vieux disques... Mais gardons-nous quand même de moquer trop vite cette tendance : peut-être que de l'autre côté de l'Atlantique est-ce réellement engagé, dans une société où le puritanisme est encore profondément ancré dans la société.

 

Un dernier pour la route : http://www.youtube.com/watch?v=dDdi6bn06bo&feature=endscreen&NR=1

 

Petite révélation : qui est cette doubleuse de la voix française ?

11 septembre 2012

Paris-Manhattan

Bon. Après relecture de ce blog (car oui, je me relis de façon critique), je me suis aperçu que l'essentiel de mes articles portaient sur des films américains ! Non pas que je ne vois que cela, j'en vois également de d'autres nationalités, notamment des Français, y compris ces derniers mois. Je me suis alors qu'il serait peut-être temps d'en faire une petite.

Paris-Manhattan-Affiche-finale-376x500


Film francais de Sophie Lellouche
avec Alice Taglioni, Patrick Bruel, Marine Delterme

Le genre : Allen sans Woody
La note : 7-

 

Pour changer des nouilles, je vous propose cette semaine une petite comédie romantique, légère et fraîche. Dans l'esprit d'un Woody Allen, le film est avant tout une mise en abîme, un hommage français à ce réalisateur américain. Plaisant et agréable.

 

Alice est une jeune étudiante à la passion toute particulière : elle idolâtre littéralement le réalisateur Woody Allen, au point que sa chambre est remplie de ses posters, figurines, livres, films. Elle se retrouve même régulièrement en face de son portrait pour discuter fictivement avec lui.

Evidemment, plongée dans son monde parallèle, elle ratera le coche à chaque fois, se faisant piquer un copain par sa sœur qui deviendra l'homme de sa vie. Sans ambition, elle reprend la pharmacie de son père quelques années plus tard. Malgré la pression de son entourage pour se marier selon la tradition religieuse, elle reste célibataire malgré quelques aventures. Toujours, elle se réfugiera dans sa relation fictive avec son idole pour faire face aux vicissitudes de l'existence.

 

Lorsque le film est sorti, il a été assez mal reçu par la critique. Et c'est vrai, nous sommes en droit d'emblée nous poser la question de l'utilité de ce film, qui n'existe que pour se référer au grand maître du réalisateur new-yorkais et de l'humour juif décalé et surréaliste. Nous avons affaire à un hommage, qui ne semble à première vue pas pouvoir compter sur des ressources propres. Il est même possible de se poser la question du pourquoi du titre, « Paris-Manhattan », qui suggère un aller simple vers la Métropole.

 

Et pourtant, je dois avouer avoir été touché par sa lenteur, sa fantaisie, son surréalisme... la musique est apaisante, on se laisse porter par la romance naissance d'Alice (Alice Taglioni), charmante et pleine de vie, et de Victor (Patrick Bruel), homme d'expérience et fabricant désabusé d'alarmes, mais fasciné par la jeune femme. Lui apprendra à se dégriser, elle à mieux gérer ses illusions. Bref, une passion classique et prévisible, marquée par l'apparition en caméo de Woody Allen, un peu en cheveu sur la soupe avouons-le. Mais le long-métrage de Sophie Lelouche est réellement agréable, simple et sans prétention.

0Une petite promenade en considérations alleniennes...

 

 

La réalisatrice a une certaine exégèse de l'oeuvre de Allen et en extrait une philosophie, une méditation, de son initiative, mais fortement influencée aussi par le style de Allen. Je dirais même qu'un certain esprit allénien est respecté, au point que l'on est vraiment presque au point de penser que nous sommes dans un de ses films.

 

Voilà. Vous aurez constaté que j'ai volontairement bien évalué ce film, peut-être surévalué. Mais j'ai souhaité non pas noter cette production pour ce qu'elle était en premier lieu, mais l'effet qu'il m'a procuré... c'est-à-dire de la bonne humeur, de la joie et une certaine sérénité. D'ailleurs, le film m'a suffisamment fait plaisir que je suis aller voir dans la foulée le nouveau Woody Allen, « From Rome With Love », que j'ai trouvé également fort rafraîchissant, malgré les mauvaises critiques de celui-ci encore une fois. Evidemment, il n'y a aucune ambition ici de demeurer à la postérité. Ou s'il y en a une, on sera loin de l'atteindre. Mais je dirais 'ai passé une après-midi en somme fort agréable, en ces temps difficiles pour tout le monde, moi, cela me va.

 

 

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1 septembre 2012

The Expendables 2 : unité spéciale

Expendables 2: unité spéciale

 

Film américain de Simon West
avec Sylvester Stallone, Jason Statham
Sortie le 22 août 2012


Le genre : private joke international 

 

Cette semaine, en cette fin d'été, nous allons nous lâcher un peu et nous faire plaisir, en osant le film d'action bourrin et musclé comme on en fait plus. Le concept ? On réunit tous les  mythiques acteurs du genre des années 80 et 90 dans une invraisemblable compilation de baston sans queue ni tête. Et le pire, c'est que c'est vraiment fun. Séquence nostalgie.

 

On est au Népal, dans une base militaire. Un type est ligoté sur une chaise, menotté, bâillonné. Ses bourreaux l'entourent, et un d'entre eux commence à le tabasser. « Tu vas parler ? » menace-il, ses instruments de torture à portée de main. Mais non, l'homme ne bronchera mot. Pendant ce temps, une équipe de sauvetage débarque de nulle part et commence à attaquer la base militaire. Un groupe de justiciers surarmés, des soldats d'élite qui croient en l'Amérique et dans les forces du mal, menés par le désabusé Barney Ross, joué par Stallone. La mission de sauvetage, à bord de camions blindés, se met alors à mitrailler et à défoncer tout sur son passage, descendant les soldats ennemis en rafales. Mais soudain, les protagonistes sont bloqués par un hélicoptère. Facile, pour Stallone : il fait démarrer une moto pour qu'elle prenne son élan sur une rampe salutaire, pour qu'elle vienne s'encastrer sur le cockpit. Puis ils défoncent les murs de la prison pour libérer les prisonniers.

 

Voyons ! Est-ce la scène d'ouverture du nouveau Rambo ? Non ! Car peu après, on découvre que l'homme ligoté est en fait Trent, joué par un certain Arnold Schwarzenegger. Comment ? Les deux plus grandes icônes du cinéma d'action des années 80 et par ailleurs rivaux à l'époque, jouent ensemble dans un film ? « Plutôt embarassant, n'est-ce pas ? » commente Schwarzy, à peine affecté par sa séquestration. Bienvenue dans le monde surréaliste mais pas moins dangereux des Expendables !

 


Bon, les gars, comme d'hab', on tire d'abord, les questions après.

 

Alors l'enjeu du reste du film, il est à la fois simple et un peu confus : rattraper une armée de gros méchants mené par Vilain (sic!), joué par Jean-Claude Van Damme, et pour les empêcher de faire péter la planète avec 5 kilogrammes de plutonium, les massacrer. De plus, ça tombe bien, Stallone a bien envie d'en découdre après qu'un de leurs compagnons ait été cruellement assassiné par Vilain sous leurs yeux à tous. Sans détailler cette intrigue ultrasimpliste, dont on ne comprend rien sur la nature des méchants (Communistes ? Terroristes ? Simples crapules ?), retenons pour se donner une idée la réponse de Stallone dans un magnifique travelling vers son visage après la question d'un de ses compagnons sur le plan à adopter : « Les traquer, les trouver, les tuer ! ».

 

Allons-y donc tout de go : l'histoire est nanardesque à point, la mise en scène est caricaturale, les dialogues, du grand n'importe quoi. D'ailleurs, rien que le titre et son style, avec ses flingues et ses couteaux, sont risibles. Les critiques ne s'y sont pas trompées : « Film de série B bruyant » pour le Nouvel observateur, « un manque d'ambition » pour Télérama, « parfaitement vain » pour les Inrockuptibles.

 

Oui, voir ça fait vraiment peur... 

 

Certes. Et alors ? Quelle importance, puisque Stallone, sur sa route parsemée de cadavres, rencontrera et recevra l'aide de plusieurs compagnons, plus ou moins amis, plus ou moins solitaires, pour grossir les rangs de l'équipe des Expendables et constituer la « Team ultime », le Graal du cinéma d'action. Démarrant avec une équipe d'acteurs plus récents (Jason Statham, Dolph Lundgren... à l'exception de Jet Li, qui disparaît mystérieusement en cours de route), peu à peu d'autres fantasmes sur pattes vont apparaître, dont Bruce Willis, Jean-Claude Van Damme, Arnold Schwarzenegger et Chuck Norris. Chacun aura le droit a une scène spéciale et des références spécifiques. C'est pourquoi ce film, dans lequel tout est volontairement sacrifié au service d'un casting vieillissant mais pas moins devenu mythique, est avant tout un hommage à un genre, une époque, une certaine conception du film d'action. Tout en force brute et sans artifices de synthèse, rejetant de ce fait les tricheurs de Marvel, Stallone, évoquant le film, ose même une certaine forme de militantisme : « Ces types nous renvoient à une époque où les héros populaires étaient des personnages de chair et d’os. Ils n’avaient pas d’autre talent que celui de vouloir survivre et sortir victorieux, même s’ils devaient y laisser la vie. C’est quelque chose qui nous parle à tous. (...) Ils ne jouent pas aux super-héros avec leurs super-pouvoirs ». Voilà donc le sens profond !

 

Quand j'étais à Hanoï, en 1969...

 

Mais ce qui est vraiment amusant dans cet Expendable 2, c'est la distance critique, absente ou trop implicite dans le premier épisode, assez lourdingue par ailleurs, et qui pouvait faire croire qu'il s'agissait d'un film qui se prend au sérieux. En réalité, il ne faudrait surtout pas penser cela : les Expendables, c'est avant-tout les vieux briscards du film d'action qui nous font un baroude d'honneur plein d'autodérision avant de retourner vaquer à leurs occupations de retraités. Chuck Norris, qui est devenu pour on ne sait quelle x raison un véritable Dieu sur Terre grâce aux « Chuck Norris facts », l'un des mèm ayant le plus de succès sur Internet, ne souhaitait pas, à la base, rejouer dans un film d'action, du haut de ses 72 ans (!). Mais la scène de son apparition, dans le film, l'a peut-être convaincu, car elle est absolument à mourir de rire, lorsqu'il sauve le groupe d'une situation désespérée, poursuivi par des soldats innombrables et un char d'assaut. Autre référence, un peu insistante d'ailleurs dans le film : Schwarzy aura eu l'occasion de sortir son légendaire « I'll be back ! » de Terminator. Seul Stallone semble avoir du mal à prendre de la distance avec son personnage de Rambo, peut-être parce que c'est lui le chef dans cette production et qu'il doit garder une image de sérieux.

 

Tout le long du film, on se laisse porter par la rencontre avec des villageoises, par l'exploration des tunnels où sont entreposés les conteneurs d'uranium, par les plans du groupe... dans l'attente fébrile et impatiente de la scène finale, dans laquelle (inutile de la cacher, puisqu'elle apparaît dans la bande-annonce) on sait, ou du moins on devine, que Schwarzy, Stallone, Willis et tous les autres seront réunis pour une scène de massacre à l'ancienne. Mission accomplie : nous avons le droit à une baston délirante et un duel à main nues entre Ross et Vilain des plus classiques. Ce qui fera dire à Schwarzy peut-être la réplique la plus intelligente du film, lorsqu'un des compagnons dira que l'avion du groupe est bon pour le musée. « Tout comme nous » répond-t-il laconiquement.

 

Alerte : vieilles star échappées de la maison de retraite... 

 

Un petit mot sur le méchant du film, Vilain, assez nullissime par ailleurs. Outre le fait que, paraît-il, il soit végétarien et qu'il soit devenu méchant parce que sa maman a tué sa poule quand il était petit (cf l'interview de Jean-Claude Van Damme dans les Inrocks, qui nous l'explique très sérieusement!), il semble être Français. Je me permets juste cette remarque, car il est dit aussi que la copine de Billy The Kid, l'un des membres du groupe, est Française, et qui apparaît même dans une scène spéciale à Paris. Eh oui, encore cette ambivalence du cinéma américain vis-à-vis de notre pays de l'amour et du fromage qui pue, et qui mériterait à elle seule un article entier.

 

Bon au final, j'ai été bien en peine de noter ce film, donc je ne l'ai pas fais. Sur bien des aspects que j'ai souligné, nous avons affaire à un nanar intégral, mais le film est voulu ainsi et nous offre des scènes d'action d'un autre âge mais absolument jouissives.  Mais après tout, a t-on réellement affaire à un film ? Car ces personnages, ces acteurs mythiques, ont été construits avant tout par leur public. Les Expendables aura aussi pour fonction de bourriner violemment le compteur du box-office, avec l'objectif moins avouable de rétribuer toutes les années pendant lesquelles ces acteurs sont devenues des icônes dépassant largement leurs œuvres. D'où ma conclusion, aussi simple que brutale :

 

If you see the Expendables, you are not watching Chuck Norris, but Chuck Norris is watching you !

19 août 2012

Total Recall : mémoires programmées

 

Film américain de Len Wiseman
Sortie en août 2012
avec Colin Farell, Kate Beckinsale, Bryan Cranston

Le genre : rappel totalement inutile

La note : 4+

 

Bon, voilà quelques semaines que je n'avais plus posté d'article sur le blog, le milieu du mois d'août étant peu propice aux grandes activités. J'aurais dû prévenir, désolé, et je vais donc tenter de me rattraper cette semaine avec une analyse et une mise en perspective un peu plus poussée du nouveau remake du film culte de science-fiction Total Recall. Le sujet m'intéresse, ça tombe bien.

 

Pour l'occasion, j'ai revisionné le film de Paul Verhoeven de 1990 avec Arnold Schwarzenegger. Mais ce qu'il faut savoir en tout premier lieu, c'est que Total Recall est d'abord une adaptation sur grand écran d'une nouvelle du génial auteur de science-fiction Philipp K. Dick, qui s'intitule Mémoires à vendre. Bien évidemment, étant donné la complexité des œuvres de Dick, adapter au cinéma est un vrai défi.

 

Alors, le Total Recall de Verhorgen était-il un bon film au regard de l'oeuvre de Dick ? Oui !
Est-ce qu'il valait la peine de revenir dessus et de tourner un nouveau Total Recall ? Non !
Le fait est que cette tentative de réadapter l'oeuvre est un échec. Je m'en expliquerai pourquoi, mais je vais tout d'abord revenir sur quelques œuvres de Dick adaptées au cinéma.

 

Mais d'abord, qui est donc ce fameux K. Dick ? L'auteur américain est né aux Etats-Unis en 1928, et mort en 1982 quelques semaines avant la sortie de la première adaptation cinématographique d'une de ses œuvres : Blade Runner, sur laquelle je reviendrai brièvement. Il faut d'abord se représenter Philipp K. Dick comme un personnage décalé, tourmenté, qui a passé une bonne partie de sa vie dans la pauvreté, l'abandon et la dépression. Pourchassé par le fisc et le FBI pour cause de fréquentations et d'orientations un peu trop gauchisantes. En échec constant sur le plan sentimental, il aura eu trois mariages, et toujours le sentiment d'être entretenu et persécuté parce qu'il écrivait la nuit sous l'emprise de drogues et de médicaments divers. Il connaîtra aussi des délires spirituels, au point qu'il s'inventera une propre théologie et prétendra avoir eu des révélations extraterrestres.

 

 K. Dick : le fou génial

 

En bref, un homme terriblement angoissé et dans le doute, trouvant dans l'écriture un exutoire à ses nombreuses idées à l'origine d'une œuvre cependant trop en avance sur son époque. Pour apprécier une œuvre de Dick, ou une œuvre dickéenne, je crois qu'il faut se plonger un peu dans son état d'esprit, un peu comme si on avait consommé de l'acide et qu'on était dans les vappes, et être ouvert à toutes sortes de réflexion remettant en cause ce que l'on croit être le plus évident - le fait par exemple, que vous êtes réellement en train de lire ces lignes actuellement par exemple.

 

Certes, il connaîtra quelques succès critiques et d'édition, comme par exemple avec Le Maître du Haut-Château, qui met en scène un Univers parallèle post-1945 dans lequel les nazis et les Japonais ont remporté la guerre et se partagent le monde. Par ailleurs, une partie de son œuvre est posthume et n'a été reconnue que plus tard. Il faut dire aussi que la science-fiction de Dick n'a rien à voir avec les récits épiques et flamboyants des années 70, tels que Star Wars ou Star Trek. Ici, pas d'exploration des planètes ou d'opéras galactiques comptant le récit mythique d'une guerre contre un quelconque empire, reflétant l'enthousiasme et le manichéisme de la guerre froide.

 

La science-fiction de Dick est beaucoup plus inquiétante. Les personnages y sont des anti-héros, faibles et perdus dans un monde qui les dépasse, dominés par la toute-puissance des firmes, des technologies et des Etats. Nous sommes dans des futurs proches, mais c'est déjà la fin de l'histoire, des situations post-apocalyptiques, dans lesquels la nature même de l'humanité et de la réalité est faillible. Bienvenue dans le désert du réel pourrait être le slogan de cette littérature très politique et métaphysique. Très en avance sur son temps, Dick aura été une grande source d'inspiration de la littérature, de la BD, du jeu vidéo et du cinéma cyberpunk, et des problématiques des nouvelles technologies informatiques, internet, d'intelligence artificielle, du changement climatique et des manipulations génétiques et physiologiques amorcées à partir des années 80.

 

La dystopie comme cadre

 

L'oeuvre de Dick a été adaptée à plusieurs reprises au cinéma, et a notamment donné trois films notables : Blade Runner, Total Recall, et Minority Report.

 

Blade Runner

Un paysage urbain à la 1984

 

Le destin de Blade Runner de Ridley Scott, sorti en 1982, adaptation de Do Androids Dream Of Electric Sheets ?, est étrange. Il a tour à tour déçu, intrigué et fasciné. Souffre-douleur critique, échec commercial, il a déçu les fans d'Harrison Ford qui incarnait ce commissaire au final bien lâche et impuissant, personnage qui a ennuyé jusqu'à l'intéressé lui-même. Cependant, le film a connu un nouveau destin à la télévision. En effet, le film est en bien des points original : rythme narratif très lent, écho aux films noirs des années 40, musique électronique de Vangelis, effets visuels et décors saisissants mettant en scène le Los Angeles de 2019, thématiques nouvelles... Blade Runner a fait l'objet d'une réflexion et d'une réappropriation intense de la part du courant cyberpunk dont il a été le précurseur.

 

L'histoire, c'est celle de Rick Deckart, détective et chasseur d'androides nommés réplicants, qui doivent être « retirés » car trop dangereux. Ou trop humains. Car en effet c'est sa rencontre avec Rachel, réplicante presque parfaite, qui va semer définitivement le doute dans son esprit. Le film, peu loquace, jouant ainsi subtilement, par effets visuels et sonores, sur la frontière entre l'humain et la copie, est véritablement perturbant, et pour moi entre dans le Top 5 des films de science-fiction.

 

Une relation amoureuse entre une réplicante et un humain : ça remue.

 

Par ailleurs, rarement un film aura connu une histoire aussi riche, au travers de ses multiples versions, entre le happy ending voulu par la Warner et la version voulue par Scott, beaucoup plus ambiguë sur la nature de Rick Deckart, le chasseur d'androides. Confère, cette fameuse séquence de 7 secondes ajoutée en 1992 au milieu d'une scène où Deckart rêve en jouant quelques notes au piano, dans laquelle on voit apparaître une licorne au galop, qui a véritablement bouleversé les interprétations.

 

Minority Report

 

Le côté mystique a dû plaire à Tom 

 

Autre film, autre époque, mais même référence dickéenne : Minority Report, de Steven Spielberg en 2001. L'histoire est celle d'un policier, une fois encore, mais d'une autre brigade spéciale, celle de prévention des crimes. Celle-ci tente d'intervenir avant que les crimes ne soient commis, qui peuvent être prévisualisés par des individus aux pouvoirs psychiques nommés les Précogs. Problème, l'inspecteur se verra lui-même commettre un meurtre dans les prédictions. Cachant la révélation à ses collègues pour éviter d'être arrêté, il sera entraîné dans une série de péripéties qui le pousseront précisément à commettre le meurtre qu'il a cherché à éviter.

 

Tueras ? Tueras pas ?

 

Réalisé par le spécialiste du cinéma de divertissement, Steven Spielberg, le film réussit tout de même à poser de façon très claire la problématique de Dick et a eu une influence très concrète sur certains débats politiques des années 2000, lors du tour de vis sécuritaire imposé par les attentats du 11 septembre 2001. En France par exemple, le film était régulièrement cité lorsque ont été votées les lois réprimant de façon plus révère les multirécidivistes, que le gouvernement Fillon jugeait bon de laisser enfermés pour éviter qu'ils ne commettent d'autres méfaits par la suite.

 

 Total Recall 1990

 

"We hope you enjoy your trip!" 

 

Passons maintenant à Total Recall de Paul Verhoeven. Sorti en 1990, le film s'inscrit cependant dans la lignée des années 80. Il a un peu vieilli et prête aujourd'hui à la rigolade, surtout au niveau de certains de ses effets visuels et de sa brutalité presque caricaturale, mais l'ambiance, la mise en scène, les acteurs sont vraiment bons, les scènes d'action malgré tout mémorables. Mais la réussite de Verhorven, c'est justement d'avoir conjugué la force brute de Schwarzenegger pour faire un bon film d'action, avec l'histoire de K. Dick en parvenant à instiller le doute durant toute l'histoire sur la nature de la réalité : Quaid, un terrien en quête d'une vie plus palpitante en allant acheter des souvenirs à la société Total Rekall, est-il réellement sur Mars en tant qu'agent-secret, ou est-il encore en train de rêver dans la machine à rêves ? Le film est véritablement ambiguë, à tel point que les deux versions sont crédibles et qu'il est impossible de trancher. Comme quoi, finalement, Matrix n'avait rien inventé.

 

 Faut-il faire confiance à sa femme ?

 

Philipp K. Dick était un homme exigeant.

 

Total Recall Mémoires Programmées

 

Ne devrait-il pas plutôt se demander : "Mais qu'est-ce que je fous là ?"

 

Bon, maintenant passons enfin au film qui nous intéresse aujourd'hui, Total Recall Mémoires Programmées. A l'ouverture du film, on nous annonce que la Terre a subit une guerre chimique et que seuls deux Etats ont survécu et sont habitables : la Fédération Britannique et la Colonie, en lieu et place de l'Australie, qui est plus ou moins soumise à la première. Les deux Etats sont reliés par un moyen de transport qui passe par le centre de la Terre nommé la Chute.

En entendant cela, je me suis dit « What the fuck » - pardonnez cet excès - ? L'histoire ne devrait-elle pas se dérouler sur Mars ? Mais après tout peut-être que non, c'est pourquoi je décide de donner une chance à ce nouveau scénario.

On nous présente alors le Quaid de cette version, monteur de policiers synthétiques sortis tout droit d'un I-robot, et on le suit dans ses états-d'âme et ses rêves, dans une scène de tendresse avec sa femme (au passage, il est intéressant d'observer l'évolution des canons de beauté et du sexy entre les deux films). Son entourage a beau le rassurer, Quaid n'en peut plus de sa vie ennuyeuse et il se laisse persuader d'aller voir Rekall pour se faire greffer quelques souvenirs. Ce début de film n'est pas si mauvais : quelques bonnes idées ont même été trouvées, comme la ressemblance troublante entre la femme de ses rêves et la femme de la réalité, ou le fait que Rekall se situe dans le quartier de prostituées : ainsi, on irait à Rekall pour la même raison qu'on irait payer pour du sexe, à savoir s'évader de la réalité pour un peu de plaisir. Même les paysages urbains m'ont semblé intéressants à regarder au départ, montrant juste ce qu'il faut de ces métropoles chaotiques et désorganisées, multiculturelles et à l'architecture destructurée, un peu à la Blade Runner mais avec son originalité propre.

 

L'homme pensif et le bazar du monde

 

Du moins c'est ce que j'ai un moment cru. Car le film tombe très vite dans toute sorte d'écueils. Ayant suscité le désir d'en voir plus, il commet le tort de de nous satisfaire et ce qu'il nous montre nous déçoit : bien trop gigantesque et technologiquement avancé avec ses bâtiments flottants pour un monde en ruine, les scènes de courses-poursuites au milieu de la ville et des ascenseurs auraient dû être évitées. De même, la Chute était une bonne idée, qui cependant a été utilisée pour les interminables scènes de baston à la fin du film. Là encore, non, ça ne marche pas.

 

Mais là n'est pas le plus grave. Car qu'en est-il de Total Recall ? La narration a été respectée, Quaid se retrouve dans un rêve (ou pas), sa femme le trahit, il est en fuite. L'histoire se déroule de façon à peu près correcte, malgré de nombreux défauts : c'est un peu maladroit et balourd, les scènes d'action – c'est ouf de le dire quand même ! - ne sont pas des plus palpitantes, Colin Farell prend régulièrement de grands airs étonnés surjoués, et un bandeau lumineux de quelques secondes nous rappelle souvent le caractère intangible de cette réalité, comme pour nous signifier « n'oubliez pas, les gars, que nous sommes dans Total Recall, et que c'est perturbant ! ». Triple lol. Bref, ce n'est pas hyper convainquant. Mais soit !

 

Ce qui est largement plus embêtant, c'est qu'à partir d'un certain point, l'enjeu du film change complètement : on est comme fixé sur la nature de la réalité et le but est maintenant rien moins que de sauver la Colonie contre les vilains Anglais et leur vilain chancelier. Je n'en dis pas plus, car certains m'ont fait le reproche de spoiler un peu trop, mais je dirais simplement que mis à part une petite référence à Rekall à la toute fin et qui laisse de marbre, le trouble et le doute instillé dans le premier film n'est absolument pas présent dans celui-ci. Car ce n'est tout simplement plus un problème arrivé à la deuxième moitié du film. Voilà ce que je reproche essentiellement à cette nouvelle version, qui par conséquent me paraît totalement vaine.

 

Outre cette problématique centrale, certaines subtilités du premier étaient intéressantes, comme la rivalité avec la femme de Quaid, en réalité fidèle au chef de la police. Dans la nouvelle version, la femme est aussi la chef de la police. Ayant délibérément désobéie au chancelier en voulant tuer Quaid au lieu de le capturer vivant, le chancelier se contentera de lui asséner « Nous réglerons cela plus tard », alors que dans le premier Total Recall, les tentatives pour tuer Quaid faisaient partie du plan du chancelier. Quel manque d'imagination pour ce remake ! Autre élément : dans le Total Recall 1990, Quaid est guidé par un enregistrement de lui-même, jusqu'à ce que celui-ci même le trahisse ! Dans le nouvel épisode, rien de cela. Enfin, dernier exemple, l'humour avec la technologie est un des grands tours de forces de Dick que Paul Verhoeven était parvenu un peu à retranscrire. Par exemple, dans Ubik, le héros se disputait avec une poignée de porte qui refusait de s'ouvrir tant qu'elle n'avait pas été payée. Faut-il préciser ici que cet élément a été ici totalement occulté ?

 

Il paraît que ça a été la promo du film à Los Angeles...

 

Bref, tout cela est bien navrant. Si je devais faire un bilan, je crois que je me ferais simplement total recall le film de Paul Verhoeven pour oublier celui-ci. Mais il aura eu au moins l'intérêt de m'y pousser et de me replonger dans l'oeuvre magistrale de Philipp K. Dick. En attendant les prochaines adaptations au cinéma, à l'instar de Ubik, probablement la plus grande œuvre de Dick, et pour laquelle mes attentes au cinéma seront très grandes.

29 juillet 2012

Batman, the dark night rises

 

 

Le genre : the dark right nows

La note : 5-

 

film américano-britannique de Christopher Nolan

avec Christian Bale, Tom Hardy, Anne Hathaway

 

Marqué à sa sortie par la tuerie de Denver, le film de Christopher Nolan semble être un miroir de la violence de nos sociétés. Spectaculaire et réaliste, l'ultime épisode prend ses distances avec le Batman des origines et est plus sombre et plus pessimiste que jamais, nous plongeant dans un Gotham apocalyptique.

 

The dark night rises devra une partie de sa notoriété à, hélas, l'épouvantable massacre perpétré dans le multiplex de Denver, où pendant une première du film, un certain Holmes, masqué pour mieux passer inaperçu parmi les fans, a abattu de sang-froid une douzaine de personne et blessé des dizaines d'autres. Ce n'est pas le premier massacre du genre dans une Amérique qui en connaît toute une série, mais le crime a choqué l'Amérique, qui entame une réflexion sur elle-même. La faute aux films violents, ou aux armes à feu ? Beaucoup d'Européens comme moi argueraient de la responsabilité des armes à feu en comparant le taux de mort par balles outre-atlantique et ici. Les jeux vidéos et les films sont plus des exutoires pour évacuer cette violence de nos sociétés qui ont tendance en réalité à se pacifier. Mais c'est sans compter sur la mentalité des Américains héritée d'une histoire faite de conquêtes : Hollywood et le 2e Amendement ancrent profondément cette culture et je n'arrive pas à croire que la série noire s'arrêtera, malheureusement, tant que les milieux "pro-gun" n'auront pas été eux-mêmes profondément affectés et demeureront arc-boutés sur la défense de leur droit à l'autodéfense.

 

Le multiplexe de la tuerie

 

Mais revenons sur l'autre série noire qui nous intéresse, à savoir Batman, troisième épisode de Christopher Nolan, certainement l'un des plus menaçants et les plus destructeurs de tous. Batman alias Wayne doit affronter un personnage mystérieux mais d'une violence et d'une rancœur inouïe : Bane. Reflet des craintes de l'Amérique post- 11 septembre, plongé dans la crise économique et consciente de son déclin, le Gotham de 2012, tel un mauvais présage maya, est une ville de fin du monde.

 

 Le réalisateur s'est-il amusé dans le mode catastrophe de Sin City pour tourner son film ?

 

Avec la pègre derrière les barreaux et des projets d'énergie propre pour la planète, le monde de Batman était pourtant sur le point d'atteindre le stade de cité idéale et parfaite, d'arriver à « la fin de l'histoire » au sens d'un Fukuyama qui avait prédit l'avènement de la démocratie dans le monde entier dans les années 90. Au final, ce film semble présager plutôt le « conflit de civilisations », vision d'ailleurs approuvée par le dessinateur de la série Frank Miller, néoconservateur assumé et revendiqué. Sans le savoir, la ville imaginaire (probablement en fait une réplique de New-York) est en réalité plus vulnérable que jamais, ses héros sont soit disparus (le procureur Dent) soit reniés (Batman). Celui-ci se retrouve lui-même en bien mauvaise posture, tour à tour reclus chez lui, déprimé, blessé, ruiné, vaincu, exilé, emprisonné, torturé psychologiquement. En effet, la ville est infiltrée par Bane et ses agents lorsque ceux-ci attaquent la bourse et le stade de Base-Ball qu'ils font s'effondrer. Que de symboles. Le danger devient existentiel lorsque le réacteur à fusion nucléaire devant servir au Projet Energies Propres (!) est bidouillé pour exploser prochainement et raser la ville. Par-dessus le marché, la ville est prise en otage et en proie au chaos. Bref, tout va si mal que l'on se dit que même si la ville est sauvée, elle restera en bien piteux état...

 

Je suis Dark Bane, et mon pote c'est Vador

 

Je dois avouer que, n'ayant pas vu le dernier épisode, j'ai mis un certain temps à raccrocher les morceaux et à rentrer dans l'histoire, à identifier les différents personnages, anciens et nouveaux. C'est donc un peu de ma faute, mais tout de même, j'ai été très étonné de constater que tout ce qui entourait Batman, tout ce qui faisait son « masque » en somme, était négligé : j'ai été presque surpris en voyant un moment des chauves-souris tellement ces éléments de référence sont rares. Finalement, c'est Gotham qui est au centre de cette histoire. Et celle-ci est sujette à une interminable succession de catastrophes, de bagarres, d'échanges d'états-d'âmes et de vilenies du grand méchant du film, véritable caricature sur patte, brute épaisse et sans pitié. On essaie malgré tout d'expliquer par des flash-back, son passé dans une prison d'Afrique de l'Ouest dans laquelle Batman se retrouve un peu plus tard, et d'où on ne s'évade pas paraît-il... (Mouais, malgré tout, la prison est une passoire, comme on peut le constater dans le film...) Le tout est rythmé par une musique répétitive au possible pour accompagner une histoire tout aussi redondante, basée sur des violons qui nous rejouent en boucle la même mélodie dramatique... Je ne suis déjà pas un grand fan des comics à la Marvel adaptés sur grand écran, que je regarde en général par goût du spectacle. Là, c'était trop. Ressorti de là, j'ai eu mal au crâne, me disant que finalement, avec le Joker dans la version Burton, on s'amusait déjà un peu plus.

 

"Oh, je vous manque ?" 

 

Bref, du blockbuster un peu trop formaté à mon goût, doublé d'une morale sécuritaire et d'un regard angoissé sur le monde d'aujourd'hui (bien que partiellement juste). Allez, un bon point quand même à Anne Hathaway pour la voleuse ambiguë la belle Sélina Kyle...

 

Tant qu'elle ronronne...

 

 Un petit bonus pour rigoler un petit coup : un site qui tourne en dérision la prestation de Marion Cotillard...
http://peopledyinglikemarioncotillard.tumblr.com/

24 juillet 2012

Tchernobyl diaries

affiche

Film américain de Bradley Parker
sortie le 11 juillet 2012
avec Devin Kelley, Jonathan Sadowski, Ingrid Bolso Berdal

Le genre : Nucléaire ? Non, au secours !

La note : 8

Un groupe de touristes américains, un environnement sombre, hostile et sans issue, des monstres lâchés dans la nature, l'abandon par la civilisation... la recette du huis-clos où les personnages sont massacrés les uns après les autres est toujours la même depuis Dix petits nègres d'Agatha Christie. La transposition de cette recette dans le paysage irradié et supposé abandonné de Tchernobyl n'est donc pas en soi une révolution. C'en est cependant pas moins une réussite.

 

Ah, Tchernobyl ! Le nom même de cette centrale et de cette catastrophe du 26 avril 1986 a une résonance toute particulière sur notre inconscient collectif, tant elle a marquée les esprits, à la fois symbole des défaillances du vacillant monde soviétique sous Gorbatchev, des dangers nouveaux et globaux liés à l'ère atomique et d'une source d'énergie controversée. Le nucléaire, pour ses partisans, fait relativement peu de morts par rapport à d'autres risques bien identifiés (voiture, tabac), mais le caractère spectaculaire des accidents et ses manifestations invisibles (radioactivité, maladies) en font un danger intangible qui est source de toute sorte de fantasmes. Pour ses opposants, l'incontrolabilité de la technologie dans certaines circonstances extrêmes fait dire qu'il ne vaut sans doute pas le coup de jouer à cette roulette russe. Quoi qu'il en soit, le nucléaire fait PEUR.

 

C'est donc tout naturellement que le cinéma d'épouvante est à même de s'emparer du thème. Tchernobyl diaries nous plonge au coeur de la ville fantôme des ouvriers de Tchernobyl, Pripiat, évacuée précipitamment à cause du niveau des radiations au moment de la catastrophe. L'idée avait déjà été exploitée dans le jeu sur PC STALKER : Shadow of Tchernobyl, jeu de tir à la première personne dans lequel il fallait affronter des zombies/irradiés, éviter les zones trop radioactives et les gardes ukrainiens. C'est pourquoi le film, qu'il ait été influencé ou non, m'a rappelé cette atmosphère oppressante si particulière.

pripiar

Population : 0

 

Alors, pour parler un petit peu de ce film tout de même, produit par Oren Peli, réalisateur de Paranormal Activity, - que je n'ai pas encore vu hélas -, je dirais que j'ai eu l'impression que le film était divisé en deux parties. La première partie s'apparente véritablement à un documentaire. On suit la démarche d'un petit groupe de touristes américains en route vers Moscou, dans leur soudain désir de faire du tourisme de l'extrême à Pripiat via une agence spécialisée. Paul parvient à convaincre son petit-frère Chris et leurs deux amies de participer à une expédition avec le guide Yuri. Dès lors, ils partent avec lui et un autre couple dans une camionnette bringuebalante en écoutant les explications du guide, qui cherche à les rassurer sur les dangers de la radioactivité et les informe des détails de autre chemin et aboutissent au centre-ville de Pripiat, livrée à la faune et à la flore locale. Ces passages dans les bâtiments de l'ère soviétique m'ont paru saisissants de réalisme (renforcés par une caméra sur l'épaule pas trop gênante, procédé que je n'approuve pas trop d'habitude) et c'est presque avec dépit que j'ai appris que le film a été tourné en partie à Belgrade (Pripiat aurait cependant été probablement trop dangereux...). Ici, une voix-off ne m'aurait pratiquement pas étonné. L'ambiance est glauque, le danger, invisible mais omniprésent, néanmoins surveillé par les crépitements d'un compteur Geiger. Jusqu'ici tout va bien : les touristes sont nerveux mais la plupart s'amusent, sont joyeux, prennent des photos, sont curieux. Néanmoins, des trucs clochent, Yuri le sent. La caméra attire l'attention sur de mystérieuses ondes de la rivière. Un drôle de cadavre de chien. Une ombre étrange sur une photo. Et avec ça, une musique angoissante qui ne présage rien de bon. Pas de surprise donc, les choses vont mal tourner.

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Bienvenue à Pripiat, musée de l'ère soviétique...

 

Le film bascule dans l'horreur lorsque, affolés par un ours qui a manqué de les heurter dans un couloir d'immeuble, ils se précipitent dans le truck. Mais impossible de démarrer : les fils du démarreur ont été semble-t-il « grignotés » par quelque bête. La situation s'aggrave : pas de réponse par talkie-walkie, la nuit qui tombe, des hurlements de loup qui se font entendre. Yuri, qui se trouve être un ancien militaire à la retraite, sort son flingue. Ambiance. A partir de ce moment, l'angoisse du spectateur change de nature et monte naturellement en intensité : la radioactivité, qui était le principal sujet de préoccupation jusqu'ici, devient secondaire pour laisser place au danger que représente les probables créatures dégénérées sur le point de les attaquer. Très vite, les malheureux compagnons d'infortune perdent leur principal atout avec la disparition de Yuri après une imprudente sortie. Chris, accouru à son secours, est atrocement blessé et intransportable. Le groupe est contraint de demeurer dans le truck et de tenir face aux attaques des loups...

Je ne vais pas détailler la suite, faite d'une succession réellement effrayante de disparitions et de tentatives de sauvetage des compagnons enlevés, de disputes entre la petite bande pour se décider à se rendre directement au check-point quitte à se diviser, ou à demeurer sur place pour tenter de secourir les premières victimes. On se demande d'ailleurs comment les compagnons trouvent à chaque fois le cran pour s'introduire dans telle ou telle tanière du loup (souvent des bâtiments...) pour récupérer une arme ou un camarade dans la détresse dont les cris déchirent la nuit. « Mauvaise idée ! » nous disons-nous tremblants et fébriles dans notre siège, et effectivement quoi qu'ils fassent, l'idée est mauvaise. Les effets de caméra sont souvent les mêmes pour nous procurer un maximum d'effroi : l'image cadrée sur les protagonistes pour nous limiter le champ de vision, nous dévoile soudainement mais discrètement un ennemi (souvent une ombre à ce moment) que ceux-ci n'ont pas encore vus. Soudain, ils s'en aperçoivent, y font face, cherchent à interagir avec cet ennemi toujours impassible, soit en tentant de communiquer, soit en tentant de l'agresser avant de s'enfuir. Troisième phase de l'horreur : cet ennemi dévoilé ne faisait en réalité que cacher le véritable danger qui se manifeste soudainement. A plusieurs reprises, nos amis se « font avoir ». Comme si la ville semblait se jouer d'eux. Le groupe se réduit de cette façon petit à petit et finit par être acculé dans des souterrains qui les conduit directement... au réacteur numéro 4 de la centrale de Tchernobyl.

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Tiii tit tit !

 

La fin constitue peut-être une petite déception de mon point de vu : la seule survivante est arrêtée par les militaires qui viennent d'abattre son compagnon devant ses yeux, qu'ils ont pris pour un de ces « zombie de Pripiat ». Très fortement irradiée et traumatisée, elle est transportée par un groupe de médecins sur un civière à l'intérieur de couloirs qui ne paient pas de mine. L'idée était très bonne à la base, et je pense qu'à ce moment l'aspect documentaire du film aurait pu reprendre. L'équipe du film aurait pu imaginer filmer la décontamination de la jeune femme car à mon avis il serait tout à fait possible de rendre cela très effrayant bien que crédible. Mais rien de cela. Des sous-titres se contentent de traduire de l'Ukrainien les paroles du « médecin », qui affirme qu'elle en a trop vu et qu'elle ne devra jamais partir de l'endroit. Finalement, elle est enfermée dans une cellule misérable, et le film se termine sur l'image de cette femme sur laquelle se précipite les dizaines d'autres « zombis » de la cellule, avant de passer au générique de fin sur fond de hard rock.

Cette fin fait donc partie des bémols de ce film, qui est d'ailleurs en partie attendue : à un certain point du film, je me suis dit, en partie aussi pour relativiser mon effroi – qui était réel ! - que le désarroi était tel qu'il n'y avait pas d'autres alternatives à la mort de tous les compagnons de l'équipe. C'est effectivement ce qui se produit : l'effet de surprise de ce film est tout de même assez limité et son issue attendue. En même temps, quelle autre fin aurait été possible ? A partir des informations que l'on apprend, on en déduit qu'une partie de la population de Pripiat n'a jamais été évacuée, mais irradiée et recluse dans des prisons dont ils se sont récemment échappés. Les militaires tentent de maîtriser cette population dans le plus grand secret quand débarque ce groupe de touristes gênants. C'est en tout cas l'hypothèse que j'élabore.

 

Ces théories complotistes montrent que l'on en apprend peut-être un peu trop : les propos du médecin n'étaient, encore une fois, pas utiles à mon sens. On en voit trop aussi, comme l'apparence de ces zombis qu'on aurait mieux fait de laisser dissimulés sous des capuchons noirs afin de conserver un maximum de mystère sur ces irradiés. Une autre idée aurait pu être creusée davantage : la division des compagnons. Bien qu'ils se disputent parfois de façon virulente, jamais l'unité du groupe n'est vraiment remise en cause : j'ai bien un moment cru qu'ils finiraient par s'étriper entre eux lorsque l'un d'entre eux braqua l'autre de son pistolet, mais non. Les ressentiments entre personnages sont tout de même existants, mais pas au point d'un film de référence comme par exemple Alien, marqué par la trahison du personnage de Ash.

 

Mais bref, heureusement la force du film est ailleurs, dans la mise en scène, dans la manière de filmer, dans ce fil conducteur de l'angoisse qui nous conduit dans l'enfer radioactif de Pripiat. Je me suis aperçu que au fil des jours, j'y ai repensé et j'ai de plus en plus apprécié ce film qui m'avait dans un premier temps « agressé ». Restons-en sur une image, une scène, qui m'a marqué : épuisés, nos touristes font une pause et se chamaillent, lorsqu'ils pointent la lampe vers... une petite fille qui se tient à quelques mètres de là, debout, silencieuse, qui les dévisage, seule dans le noir. On le distingue mal dans le film, mais son visage est en réalité dissimulé par un masque comme le montrent certaines affiches du film. Silhouette semble-t-il irréelle, avec qui ils tenteront pourtant de communiquer. Mais à cet instant précis, l'une des touristes, restée assise près de marches d'escalier, est soudainement enlevée par une silhouette sombre arrivée discrètement par derrière. Car ce n'était qu'une diversion. Dans sa panique, le personnage qui tient la torche trouve quand même le temps de braquer celle-ci de nouveau vers la fille le temps d'une fraction de seconde : elle a disparu.

 

Véritablement, de tout ce film, c'est cette scène qui me restera, tant par sa mise en scène que pour son symbole : le film atteint d'autant plus une horreur absolue qu'il en résume la réalité de cette catastrophe : le visage de la vie et l'innocence de milliers de gens et de lieux en Europe de l'Est a à jamais été défiguré par le mal invisible qui s'est échappé du réacteur numéro 4 de Tchernobyl.

 

 

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A quand Fukushima diaries ?

24 juillet 2012

Le dictateur

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Sortie le 20 juin 2012
Film américain de Larry Charles
avec Sacha Baron Cohen, Anna Faris, Ben Kingsley

 

La note : 8-/10

Le genre : contre-révolution de Jasmin

 

Il faut bien l'avouer, Sacha Baron Cohen, je l'ai découvert cette année, avec la forte promotion de son nouveau film The dictator. Transport des cendres de Kim-Jong Il à la cérémonie des oscars, message de félicitations à François Hollande tout en regrettant Dominique Strauss-Kahn, et autres sketches fantasques du dictateur imaginaire, entouré de sa garde féminine rapprochée, ont attiré mon attention sur cet humoriste outrancier. Au-delà de la succession de gags, le film s'ancre volontairement dans un contexte particulier (entre autres, les révolutions arabes). Et bien-sûr, fait écho au chef d'oeuvre éponyme de Chaplin.

 

Tout d'abord, commençons par dire qu'on a bien affaire à du Sacha Baron Cohen. Certes, j'ai lu quelque part qu'il était à craindre qu'il se "standardise" en ne filmant non plus de scènes réelles, en caméra cachée, mais en cédant aux grosses productions. N'ayant vu ni Borat ni Brüno, tournés de cette manière, mon seul élément de comparaison est Ali G Indahouse, que j'ai vu récemment. Et je dois dire que pour ma part, je reconnais le même acteur provocateur, vulgaire, déjanté, malgré le changement de personnage.

 

Ce qui est absolument incroyable chez Sacha Baron Cohen, c'est cette capacité, à d'une part s'identifier totalement à ces personnages - cela a été largement commenté - mais d'autre part à nous faire entrer nous-même dans une histoire complètement folle et à nous en faire accepter toutes ses règles, balançant au passage tous les tabous de notre société. J'ai été héberlué de voir la salle entière rire à gorge déployée, et moi le premier, de situations plus grotesques, ridicules et surtout vulgaires les unes que les autres. Une scène très explicite de l'apprentissage de la masturbation, la traite des seins d'une femme comme si on traitait une vache, la décapitation d'un cadavre et l'usage de sa tête à des fins sexuelles, la vision soudaine d'une femme dans un building de Manhattan des jambes et du sexe d'un homme se précipitant sur sa fenêtre, et j'en passe... autant de situations qui devraient nous choquer et qui nous a fait mourir de rire. Cohen nous fait avaler énormément d'humour pipicaca sans qu'on bronche... mais évidemment il n'y a pas que cela.

 

Le film s'inscrit en effet essentiellement sur une thématique politique : les dictatures arabes, et les dictatures en général, avec un personnage à sa tête : le dictateur. La première image du film est excellente : une photo de Kim Jong-Il, avec la mention "A la mémoire du Glorieux Camarade Kim-Jong Il". Je me plais à imaginer que ce genre de blague avec Hitler, pourtant possibles dans The dictator de Chaplin, seraient perçu comme un scandale aujourd'hui. Mais fermons cette parenthèse. Détesté et honni de tout le monde mais aux pouvoirs immenses, le dictateur a ses attributs - argent, armée, police répressive, son apparat, son plastron militaire, ses femmes... -, Sacha Baron Cohen y a vu là un formidable vivier de blagues, et il a raison. Il invente un Etat imaginaire, le Wadiwa, situé dans l'actuelle Erythrée, pays regorgant de pétrôle mais fermé au monde. Certaines autres dictatures comme la Chine, cherchant à faire de l'argent, souhaiteraient qu'il souvre au commerce, mais le Wadiwa est bien trop intraitable pour cela. C'est aussi un Etat voyou qui développe la bombe atomique, pratique une diplomatie ambiguë, insaisissable et imprévisible, dépendante des humeurs de son dirigeant suprême. On apprendra même qu'il accueille Oussama Ben Laden, et qu'en réalité c'est son sosie qui a été tué par les Américains... Culte de la personnalité, arsenal répressif incluant arrestations arbitraires, tortures, exécutions... tout est là, la synthèse de toutes les pires dictatures du monde, de la Corée du Nord à l'Iran en passant par l'ex- Libye de Khadafi. Cohen enfile (sans mauvais jeux de mots) le costume du dictateur Général-Amiral Aladeen, et est à la hauteur des attentes. Sur une mauvaise blague ou un caprice à propos de la forme de sa bombe atomique, il fait arrêter tout le monde et n'importe qui.

 

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Avec lui, même pas le droit aux blagues.

 

Le personnage est fondamentalement mauvais : même lorsqu'il a la possibilité d'avoir une deuxième chance et de commencer une nouvelle vie à New York, les vieilles habitudes reprennent le dessus et il "motive" les employés du supermarché bio à coup de gégène. L'homme, égocentrique et mégalome au possible, organise et truque ses propres Jeux Olympiques. Il pouffe de rire à prononcer les mots de droits de l'homme, d'égalité des sexes et de droits politiques. Il sait évidemment ce qu'est une flexion, puisqu'il les a inventé. Il bidouille le dictionnaire wadiwien à la manière d'un Orwell dans 1984 pour introduire "Aladeen" qui veut dire tout et son contraire. Sur un simple geste (un doigt passé sur la gorge...), il décide de la vie et de la mort de ses sujets. Bref ! Le pire du pire.

Or, le dictateur Aladeen, en réalité, est seul et triste. Comme dans le dictateur de Chaplin, il est bien-sûr caricaturé, ridiculisé, mais aussi humanisé... au point même que chez Cohen, il provoque compassion et affection. Dans une scène touchante, alors qu'il vient de coucher avec une prostituée, en réalité actrice d'Hollywood qui devait partir en urgence pour rencontrer le Président du Conseil italien (!), il accroche tristement la photo d'eux-deux sur un mur remplis de photos de toutes ses conquêtes... lui, en réalité pauvre dadais qui ne sait pas ce qu'est se procurer lui-même du plaisir (je l'ai dit plus tôt), n'attend en réalité que des "câlins"... qu'il trouvera en la personne de son exact opposé : une baba cool écolo, féministe et libertaire. Bah oui, après tout, le pauvre, le dictateur est un humain comme les autres qui a besoin d'amour, or 2011 a été une année sombre pour lui et ses amis...

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Tyran triste cherche nounou.

 

Alors, pour en revenir à l'histoire et à la politique. Le général-amiral Aladeen est dos au mur depuis qu'il est menacé d'intervention de l'ONU dans son pays. Il se rend alors à New-York pour essayer de calmer tout le monde. Seulement voilà, il est une nuit fait enlevé par un rival politique et rasé pour ne pas qu'on le reconnaisse, et remplacé par un sosie à la tribune de l'ONU. Le voilà à errer dans les rues de New-York à essayer de revenir sur le devant de la scène, à la merci des opposants au régime. Les quiproquo : un autre écho à Chaplin. Entre temps, il traversera une dépression, s'apercevant qu'il est gentil à l'intérieur, avant d'être rassuré par un fidèle qui lui assure qu'il est salaud comme autant de couches d'ail. Il finira par revenir, pour déchirer devant le monde entier la nouvelle constitution libérale qui était prévue... avant de se raviser en voyant "sa copine" effondrée, en faisant un grand discours sur la démocratie et pour dénoncer... les Etats-Unis d'Amérique. Encore un parallèle à Chaplin, mais avec une cible surprenante et différente.

 

Quelle est la portée de ce message ? Certainement limitée. La lutte contre les dictatures est devenue consensuelle dans nos démocraties libérales... quant à l'antiaméricanisme de Cohen, l'est-il vraiment ? L'humouriste a pour habitude de s'attaquer à tout le monde, ce qui a tendance à brouiller le message. Beaucoup de parallèles sont possibles entre les deux Dictators, mais le Cohen de 2012 n'a cependant pas l'engagement d'un Chaplin de 1940. Il n'aura pas ce jalonnement historique. Et après tout, est-ce l'ambition du film ? Non. Il aurait fallu aller beaucoup plus loin. La vraie audace aurait été d'aller jusqu'au bout de la logique et par exemple de critiquer la politique des Etats-Unis envers Israel, puisqu'il joue un dictateur qui veut "rayer Israel de la carte". Ou de défendre le "socialisme" et l'antiaméricanisme de Chavez. Tout juste l'histoire d'amour pour la militante du Coop bio pourrait mettre en évidence (et encore) l'indulgence voire la collusion d'une certaine gauche altermondialiste avec des régimes douteux qui se déclarent ennemis des Etats-Unis. Dans l'ensemble, Cohen veut rester néanmoins consensuel et le poil à gratter en restera là.

 

 

Pour résumer, je me demande si ce genre de film fonctionne du fait que nos cerveaux sont accablés par les catastrophes, les crises, les révoltes, les massacres. Ecrasés par cette actualité, Cohen nous propose en utilisant les mêmes thèmes de nous évader, de prendre de la distance, de dire "merde" après tout. Reste qu'au-delà de l'apparent humour graveleux du film, la description des ressorts d'une dictature est assez fine et complète, toujours amusante. Un film vraiment à voir pour s'amuser et passer un bon moment, sans cependant espérer y voir le réquisitoire d'un Charlie Chaplin.

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